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LA RÉVOLUTION


tions législatives. » Quand il a dévidé le fil de sa scolastique révolutionnaire, il est à bout. — En matière de finances et d’art militaire, il ne sait rien et ne se risque pas, sauf pour dénigrer ou calomnier Carnot et Cambon qui savent et se risquent[1]. — En fait de politique extérieure, son discours sur l’état de l’Europe est une amplification d’écolier ; quand il expose les plans du ministère anglais, il atteint d’emblée le comble de la niaiserie chimérique[2] ; ôtez les phrases d’auteur, et ce n’est plus un chef de gouvernement qui parle, mais le portier des Jacobins. — Sur la France contemporaine et vivante, toute idée juste et précise lui manque : à la place des hommes, il aperçoit vingt-six millions d’automates simples, qu’il suffit de bien encadrer, pour qu’ils fonctionnent d’accord et sans heurts ; en effet, par nature ils sont bons[3], et, après la petite épuration

  1. Buchez et Roux, XXXIII, 437, 438, 440, 441 (Discours de Robespierre, 8 thermidor an II).
  2. Ib., XXX, 225, 226, 227, 228 (Discours du 17 novembre 1794), et XXXI, 255 (Discours du 28 janvier 1794). « La politique du cabinet de Londres contribua beaucoup à donner le premier branle à notre Révolution… » « (Ce cabinet) voulait, au milieu des orages politiques, conduire la France épuisée et démembrée à un changement de dynastie et placer le duc d’York sur le trône de Louis XVI… Pitt est un imbécile, quoi qu’en dise une réputation qui a été beaucoup trop enflée… Un homme qui, abusant de l’influence qu’il a acquise dans une île jetée par hasard dans l’Océan, veut lutter contre le peuple français…, ne peut avoir conçu un plan aussi absurde que dans la retraite des Petites-Maisons. » — Cf. ib., XXX, 465.
  3. Ib., XXVI, 333, 441 (Discours sur la Constitution, 10 mai 1793), et XXXI, 275 : « Pour être bon, le peuple n’a besoin que de se préférer lui-même à ce qui n’est pas lui ; pour être bon, il faut que le magistrat s’immole lui-même au peuple… »