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LA RÉVOLUTION


pas être taxés de royalisme[1] ; encore cette concession ; à force de docilité, on parviendra peut-être à ôter tout prétexte aux violences de la Montagne.

En ceci, ils se trompent fort, et, dès le commencement, ils peuvent constater une fois de plus comment les Jacobins entendent la liberté électorale. D’abord tous les inscrits[2], et notamment les suspects, sont sommés de voter, et de voter oui ; « sinon, dit un journal jacobin[3], ils donneront la juste mesure de l’opinion qu’on doit avoir de leurs sentiments et n’auront plus à se plaindre d’une suspicion qui se trouvera si bien fondée ». Ils viennent donc, « très humbles et très endurants », néanmoins on les rebute, on leur tourne le dos, on les relègue dans un coin de la salle ou près des portes, on les insulte tout haut. Ainsi accueillis, il est clair qu’ils se tiendront cois et ne risqueront pas la moindre objection. — À Mâcon, par exemple, « quelques aristocrates murmuraient tout bas, mais n’osaient pas dire non[4] ». En effet, l’imprudence serait extrême.

  1. Moniteur, XVII, 20 (Rapports de Barère). « L’acte constitutionnel va tracer la ligne de démarcation entre les républicains et les royalistes. »
  2. Archives nationales, FIC 54 (Circulaire du ministre Gohier, 6 juillet 1793). « C’est aujourd’hui que, cités devant l’autel de la patrie, ceux qui veulent la République vont être nominativement connus, et que ceux qui ne la veulent pas, soit qu’ils parlent, soit qu’ils se taisent, également se déceler. »
  3. Sauzay, IV, 160, 161 (article du journal la Vedette). Par suite, « tous les nobles et prêtres inconstitutionnels se sont fait un devoir de se rencontrer aux assemblées et d’y accepter avec joie une Constitution qui garantit à tous la liberté et les propriétés ».
  4. Journal des Débats de la Société des Jacobins, no du 27 juillet 1793 (Correspondance, no 122).