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LA RÉVOLUTION


cabinet ou de place publique, Camille Desmoulins, Fréron, Hébert, Chaumette, Clootz, Théroigne, Marat, et, dans cet État plus que jacobin, modèle anticipé de celui qu’il établira plus tard, il règne, comme il régnera plus tard, président perpétuel du district, chef du bataillon, orateur du club, machinateur des coups de main. Là, l’usurpation est de règle : on ne reconnaît aucune autorité légale ; on brave le roi, les ministres, les juges, l’Assemblée, la municipalité, le maire, le commandant de la garde nationale. De par la nature et les principes, on s’est mis au-dessus des lois : le district prend Marat sous sa protection, place deux sentinelles à sa porte pour le garantir des poursuites, et résiste en armes à la force armée chargée d’exécuter le mandat d’arrêt[1]. Bien mieux, au nom de Paris, « première sentinelle de la nation », on prétend gouverner la France : Danton vient déclarer à l’Assemblée nationale que les citoyens de Paris sont les représentants naturels des quatre-vingt-trois départements, et la somme, sur leur injonction, de rétracter un décret rendu[2]. — Toute la pensée jacobine est là ; avec son coup d’œil supérieur, Danton l’a pénétrée jusqu’au fond, et l’a proclamée en termes propres ; à présent, pour l’appliquer grandement[3], il n’a plus qu’à passer du petit théâtre au grand, des Cor-

  1. Buchez et Roux, IV, 295, 298, 461 ; V, 140.
  2. Ib., VIII, 28 (10 octobre 1790).
  3. Ib., IX, 408 ; X, 144, 234, 297, 417. — La Fayette, Mémoires, I, 359, 366. Aussitôt après la mort de Mirabeau (avril 1791), le projet de Danton se déclare, et son initiative est alors de première importance.