Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 7, 1904.pdf/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
178
LA RÉVOLUTION


cela suffit pour qu’ils les conduisent mieux que ne ferait l’État ; à ce titre, elles leur sont dévolues. Par conséquent, dans le vaste champ de travail, ils doivent choisir eux-mêmes leur part ; ce sont eux qui, de leur propre autorité, se fixeront des limites. Ils peuvent donc élargir leur domaine autant qu’ils voudront, réduire indéfiniment celui de l’État. Au contraire, l’État ne peut prétendre qu’à leurs restes ; à mesure qu’ils avancent sur un terrain partagé et de frontière douteuse, il est tenu de reculer, de leur céder la place ; quel que soit l’emploi, il ne doit s’en charger qu’à leur défaut, en leur absence prolongée, sur leur renoncement prouvé. — Partant, ce qui lui revient, ce sont d’abord les offices que jamais ils ne revendiqueront pour eux et que toujours ils laisseront volontairement entre ses mains, parce qu’ils ne possèdent pas et qu’il détient le seul outillage approprié, l’instrument spécial et indispensable, à savoir la force armée : telle est la protection de la communauté contre l’étranger, la protection des particuliers les uns contre les autres, la levée des soldats, la perception des impôts, l’exécution des lois, la justice et la police. — Ce sont ensuite les besognes dont l’accomplissement importe directement à tous sans intéresser directement personne : telle est l’administration du sol inoccupé, des forêts communes, des fleuves, de la mer côtière et de la voie publique ; telle est la charge de gouverner les pays sujets ; telle est la commission d’élaborer et rédiger les lois, de frapper la monnaie, de conférer la personnalité civile, de traiter,