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LE PROGRAMME JACOBIN


cratique. Défense aux détenus riches d’acheter des douceurs ou de se procurer des commodités particulières ; ils mangent avec les détenus pauvres la même pitance, à la même gamelle[1]. Ordre aux boulangers de ne fabriquer qu’une qualité de pain, le pain gris, dit pain d’égalité, et, pour recevoir sa ration, chacun fait queue à son rang dans la foule. Aux jours de fête, chaque particulier descend ses provisions et dîne en famille, avec ses voisins, dans la rue[2]. Le décadi, tous chantent ensemble et dansent pêle-mêle dans le temple de l’Être suprême. Les décrets de la Convention et les arrêtés des représentants imposent aux femmes la cocarde républicaine ; l’esprit public et l’exemple imposent

  1. Moniteur, XVIII, 326 (séance de la Commune, 11 brumaire an II). Le commissaire annonce qu’à Fontainebleau et autres lieux « il a fait établir le régime d’égalité dans les prisons et maisons d’arrêt, où le riche et le pauvre se partagent les mêmes aliments ». — Ib., 210 (séance des Jacobins, 29 vendémiaire an II, discours de Laplanche sur sa mission dans le Gers). Des prêtres avaient toutes leurs commodités dans les maisons de réclusion ; les sans-culottes couchaient sur la paille dans les prisons. Les premiers m’ont fourni des matelas pour les derniers. » — Ib., XVIII, 455 (séance de la Convention, 26 brumaire an II). « La Convention décrète que la nourriture des personnes détenues dans les maisons d’arrêt sera frugale et la même pour tous, le riche payant pour le pauvre. »
  2. Archives nationales, AF, II, 37 (Arrêté de Lequinio, Saintes, 1er  nivôse an II). « Dans toutes les communes, tous les citoyens sont invités à célébrer le jour de la décade par un banquet fraternel qui, servi sans luxe et sans apprêt…, fasse oublier à l’homme de peine ses fatigues, et à l’indigent la misère qu’il éprouve, qui porte dans l’âme du pauvre et du malheureux le sentiment de l’égalité sociale et l’élève à toute la hauteur de sa dignité, qui étouffe dans le riche jusqu’au plus léger sentiment d’orgueil et jusqu’au germe de hauteur et d’aristocratie dans le fonctionnaire public. »