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LA RÉVOLUTION


lors les affections et les obéissances ne se dispersent plus en frondaisons vagabondes ; les mauvais supports, auxquels elles s’accrochaient comme des lierres, castes, églises, corporations, provinces, communes ou familles, sont ruinés et rasés ; sur ce sol nivelé, l’État seul reste debout, et offre seul un point d’attache ; tous ces lierres rampants vont s’enlacer en un seul faisceau autour du grand pilier central.

VIII

Ne leur permettons pas de s’égarer, conduisons-les, dirigeons les esprits et les âmes, et, pour cela, enveloppons l’homme de nos doctrines. Il lui faut des idées d’ensemble, avec les pratiques quotidiennes qui en dérivent ; il a besoin d’une théorie qui lui explique l’origine et la nature des êtres, qui lui assigne sa place et son rôle dans le monde, qui lui enseigne ses devoirs, qui règle sa vie, qui lui fixe ses jours de travail et ses jours de repos, qui s’imprime en lui par des commémorations, des fêtes et des rites, par un catéchisme et un calendrier. Jusqu’ici la puissance chargée de cet emploi a été la Religion, interprétée et servie par l’Église ; à présent ce sera la Raison, interprétée et servie par l’État. — Là-dessus, plusieurs des nôtres, disciples des encyclopé-

    à ses propres affaires, et ajoutait : « Nous sommes libres, nous sommes égaux, nous n’avons de père et de mère que la République ; si tu n’es pas content, je le suis ; tu peux t’en aller chercher ailleurs un endroit plus à ton goût. »… Les enfants sont encore très impertinents, il faudra bien des années pour les ramener à un ton supportable. »