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LE PROGRAMME JACOBIN


« naux, où les cultivateurs, les propriétaires et les manufacturiers seraient obligés de déposer, à un prix modéré qu’ils recevraient à l’instant, l’excédent de leur consommation de toute espèce de marchandises. La nation distribuerait ces mêmes marchandises aux commerçants en gros, en conservant un bénéfice de 6 pour 100 ; le bénéfice du commerçant en gros serait fixé à 8 pour 100, et celui du détaillant à 12 pour 100. » De cette façon, les agriculteurs, les industriels et les marchands deviendraient tous des commis de l’État, appointés par une prime ou par une remise ; ne pouvant plus gagner beaucoup, ils ne seraient plus tentés de gagner trop ; ils cesseraient d’être cupides, et bientôt ils cesseraient d’être égoïstes. — Au fond, puisque l’égoïsme est le vice capital et que la propriété individuelle en est l’aliment, pourquoi ne pas supprimer la propriété individuelle ? Nos extrêmes logiciens, Babeuf en tête, vont jusque-là, et Saint-Just[1] semble de cet avis. Il ne s’agit pas de décréter la loi agraire ; la nation se réserverait le sol, et partagerait entre les individus, non les terres, mais les fermages. Au bout du principe, on entrevoit un ordre de choses où l’État, seul propriétaire foncier, seul capitaliste, seul industriel, seul commerçant, ayant tous les Français à sa solde et à son service, assignerait à chacun sa tâche d’après ses aptitudes et distribuerait à chacun sa ration d’après ses besoins.

    Comité de Salut public par la Société jacobine de Montereau, thermidor an II).

  1. Buchez et Roux, XXXV, 272 (Institutions par Saint-Just).


  la révolution. v.
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