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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


tuation, de la révolution, et les mots crus que, de sa voix de taureau, il lance au passage ne sont que la forme vive de la vérité exacte : « Nous sommes de la canaille, nous sortons du ruisseau » ; avec les principes d’humanité ordinaire, « nous y serions bientôt replongés[1] ; nous ne pouvons gouverner qu’en faisant peur ». — Les Parisiens sont des j… f…, il faut mettre une rivière de sang entre eux et les émigrés[2]. » — « Le tocsin qu’on va sonner n’est point un signal d’alarme, c’est la charge sur les ennemis de la patrie… Pour les vaincre, que faut-il ? De l’audace, et encore de l’audace, et toujours de l’audace[3]. » — « J’ai fait venir ma mère, qui a 70 ans ; j’ai fait venir mes deux enfants, ils sont arrivés hier au soir. Avant que les Prussiens entrent dans Paris, je veux que ma famille périsse avec moi ; je veux que vingt mille flambeaux en un instant fassent de Paris un tas de cendres[4]. » — « C’est dans Paris qu’il faut se maintenir par tous les moyens. Les républicains sont une minorité infime, et, pour combattre, nous ne pouvons compter que sur

  1. Comte de Ségur, Mémoires, I, 12. Conversation de son père avec Danton quelques semaines après le 2 septembre.
  2. Voyez ci-dessus le récit du roi Louis-Philippe.
  3. Buchez et Roux XVII, 347. Paroles de Danton à l’Assemblée nationale, le 2 septembre, un peu avant deux heures, juste au moment où le tocsin et le canon d’alarme donnaient le signal convenu. — Déjà, le 31 août, son affidé Tallien disait à l’Assemblée nationale : « Nous avons fait arrêter les prêtres perturbateurs ; ils sont enfermés dans une maison particulière, et, sous peu de jours, le sol de la liberté sera purgé de leur présence. »
  4. Meillan, Mémoires, 325 (édit. Barrière et Berville). Discours de Fabre d’Églantine aux Jacobins, envoyé aux sociétés affiliées le 1er  mai 1793.