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LA RÉVOLUTION


requise : de cette façon, l’opération aura de loin une apparence légale, et, sous le décor des phrases ordinaires, pourra être imposée aux provinciaux. Dès le 3 avril[1], aux Jacobins, Robespierre, toujours circonspect et décent, a d’avance défini et limité l’émeute prochaine. « Que les bons citoyens, dit-il, se réunissent dans leurs sections et viennent nous forcer à mettre en état d’arrestation les députés infidèles. » Rien de plus mesuré, et, si l’on se reporte aux principes, rien de plus correct. Le peuple garde toujours le droit de collaborer avec ses mandataires, et déjà, dans les tribunes, c’est ce qu’il fait tous les jours. Par une précaution suprême et qui le peint bien[2], Robespierre refuse d’intervenir davantage, « Je suis incapable de prescrire au peuple les moyens de se sauver ; cela n’est pas donné à un seul homme ; cela n’est pas donné à moi qui suis épuisé par quatre ans de révolution et par le spectacle déchirant du triomphe de la tyrannie,… à moi qui suis consumé par une fièvre lente et surtout par la fièvre du patriotisme. J’ai dit ; il ne me reste pas d’autre devoir à remplir en ce moment. » D’ailleurs, il enjoint à la municipalité « de s’unir au peuple, de former avec lui une étroite alliance ». — En autres termes, c’est à la Commune à faire le coup ; il ne faut pas que la Montagne paraisse. Mais « elle est tout entière dans le secret[3] », ses chefs tiennent les ficelles des gros-

  1. Mortimer-Ternaux, VII, 38.
  2. Buchez et Roux, XXVII, 297, séance des Jacobins, 29 mai.
  3. Barère, Mémoires, II, 91, 94. Si menteur que soit Barère, on peut admettre ici son témoignage ; je ne lui vois aucune raison