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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« multitude de bons patriotes » ont d’avance occupé la salle ; « dès le matin, les autres salles du Palais, les corridors, les cours, les rues adjacentes », regorgent de « sans-culottes prêts à venger les outrages qui pourraient être faits à leur fidèle défenseur[1] ». Naturellement, avec son infatuation souveraine, il parle, non en accusé, mais « en apôtre et en martyr », il est couvert d’applaudissements, il est absous à l’unanimité, on le couronne de lauriers, on le porte en triomphe jusque dans la Convention ; il y entonne un chant de victoire, et la majorité girondine est tenue de subir sa présence en attendant qu’elle subisse ses proscriptions. — Aussi impuissants que les modérés du corps législatif, les modérés de la rue ne se redressent que pour être rabattus par terre. Le 4 et le 5 mai, deux bandes de cinq ou six cents jeunes gens, bien vêtus et sans armes, se sont formées aux Champs-Élysées et au Luxembourg, afin de protester contre l’arrêté de la Commune qui les choisit pour l’expédition de Vendée[2] ; ils crient : Vive la république ! Vive la loi ! À bas les anarchistes ! Au diable Marat, Danton, Robespierre ! Naturellement, la garde soldée de Santerre disperse ces muscadins ; on en arrête un millier, et dorénavant les autres s’abstiendront de toute manifestation

  1. Buchez et Roux, XXVI, 149. — Ib., récit de Marat, 114. Bulletin du tribunal révolutionnaire. — Ib., 142, séance de la Convention.
  2. Ib., XXVI, 358, article de la Chronique de Paris, 356, article de Marat. — Schmidt, I, 184. Rapport de Dutard, 5 mai. — Paris, Histoire de Joseph Lebon, I, 81. Lettre de Robespierre jeune, 7 mai.