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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« excès[1] ». Le fait est que les Girondins ; comme jadis les constitutionnels, sont trop civilisés pour leurs adversaires et subissent la force, faute de se résoudre à l’employer.

« Subjuguer la faction, dit l’un d’eux[2], cela ne se pouvait faire qu’en l’égorgeant, ce qui peut-être n’était pas bien difficile. Tout Paris était aussi las que nous de son joug, et, si nous avions eu le goût et la science des insurrections, elle eût été bientôt détruite. Mais comment faire adopter des mesures aussi atroces à des hommes qui en reprochaient l’usage à leurs adversaires ? Et cependant elles auraient sauvé la patrie. » Par suite, incapables d’agir, ne sachant que parler, réduits à protester, à barrer la voie aux décrets révolutionnaires, à faire appel aux départements contre Paris, ils apparaissent comme un obstacle aux gens pratiques et engagés de tout leur cœur dans le fort de l’action ; — Sans doute, Carnot est aussi honnête qu’eux, aussi honnête « que peut l’être un fanatique badaud[3] ». Sans doute, Cambon, non moins intègre que Roland, s’est prononcé aussi haut que Roland contre le 2 septembre, la Commune et l’anarchie[4]. — Mais, à Carnot et à Cambon qui passent leurs nuits, l’un à établir ses budgets, l’autre à étudier ses cartes,

  1. Louvet, 75.
  2. Meillan, 16.
  3. Mot de M. Guizot. (Mémoires, II, 73).
  4. Moniteur, XIV. 432, séance du 10 novembre 1792. Discours de Cambon : « Voilà ce qui me fera toujours haïr le 2 septembre ; car je n’approuverai jamais les assassinats. » Dans le même discours, il justifie les Girondins du reproche de fédéralisme.