Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


mot pour s’élancer ensemble, « au premier mouvement hostile, contre leurs adversaires et pour en tuer le plus possible » avant de périr[1].

L’expédient est désespéré, mais c’est l’unique ; car, outre les forcenés de la salle, ils ont contre eux les forcenés des tribunes, et là aussi il y a des septembriseurs. La pire canaille jacobine les enveloppe à demeure et de parti pris, d’abord dans la vieille salle du Manège, puis dans la nouvelle salle des Tuileries. En cercle autour d’eux et au-dessus d’eux, ils voient tous les jours des adversaires enrégimentés, « huit ou neuf cents têtes encaquées dans la grande galerie du fond sous une voûte profonde et sourde », et de plus, sur les côtés, mille ou quinze cents autres, deux immenses tribunes toutes pleines[2]. Comparées à celles-ci, les galeries de la Constituante et de la Législative étaient calmes. « Rien ne déshonore plus la Convention, écrit un spectateur étranger[3], que l’insolence de ses auditeurs » ; à la vérité, un décret interdit toutes les marques d’approbation ou de désapprobation ; mais « il est violé tous les jours, et personne n’a jamais été puni pour

  1. Meillan, 24 : « Depuis quelque temps, nous étions tous armés de sabres, de pistolets, d’espingoles. » — Moore, II, 235 (octobre 1792). Déjà à cette date un grand nombre de députés ne sortaient qu’armés de cannes à dard et de pistolets de poche.
  2. Dauban, la Démagogie en 1793, 181. Description de la salle par Prudhomme, avec estampes. — Ib., 199. Lettre de Brissot à ses commettants : « Les brigands et les bacchantes ont trouvé moyen de s’emparer de la nouvelle salle. » — Selon Prudhomme, les tribunes peuvent contenir en tout quatorze cents personnes, et, selon Dulaure, deux à trois mille.
  3. Moore, I, 44 (10 octobre) et II, 534.