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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


sur les naturels emportés et despotiques, sur les tempéraments brutaux, sur les esprits courts et détraqués, sur les imaginations affolées, sur les probités véreuses, sur les vieilles rancunes religieuses ou sociales, elle arrive, au bout de six mois, à doubler ce nombre[1]. Sur les bancs de l’extrémité gauche, autour de Robespierre, Danton et Marat, le noyau primitif des septembriseurs attire à lui les hommes de son acabit : d’abord les pourris comme Chabot, Tallien et Barras, les scélérats comme Fouché, Guffroy et Javogues, les enfiévrés et possédés comme David, les fous féroces comme Carrier, les demi-fous méchants comme Joseph Lebon, les simples fanatiques comme Levasseur, Baudot, Jeanbon-Saint-André, Romme et Le Bas, ensuite et surtout les futurs représentants à poigne, gens rudes, autoritaires et bornés, excellents troupiers dans une milice politique, Bourbotte, Duquesnoy, Rewbell, Bentabole, « un tas de… d’ignorants, disait Danton[2], n’ayant pas le sens commun, et patriotes seulement quand ils sont soûls. Marat n’est qu’un aboyeur ; Legendre n’est bon qu’à dépecer sa viande ; les autres ne savent que voter par assis et levé ; mais ils ont des reins et du nerf ». Parmi ces nullités énergiques, on voit s’élever un jeune monstre, au visage calme et beau, Saint-Just,

  1. Buchez et Roux, XXV, 463. Appel nominal du 13 avril 1793 ; quatre-vingt-douze députés votent pour Marat.
  2. Prudhomme, Crimes de la Révolution, V, 133. Conversation avec Danton, en décembre 1792. — Barante, III, 123. Même conversation, mais probablement d’après une autre tradition orale. — J’ai été obligé de substituer un équivalent aux derniers mots trop crus de la citation.


  la révolution. iv.
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