Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
179
LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


drôlesses, à peu près ce qu’une bonne police expulserait, s’il s’agissait de nettoyer la capitale[1], eux aussi convaincus de leur droit, d’autant plus ardents dans leur foi révolutionnaire que leur dogme érige en vertus leurs

    les hommes qui viennent à lui sont des ouvriers « qui prétendent avoir arsouillé dans la révolution et qui sont tous prêts à se remettre à la besogne, pourvu que ce soit pour tuer les coquins de riches, d’accapareurs, de marchands, de mouchards et de panachés du Luxembourg. » (Lettre de l’agent de la section Bonne-Nouvelle, 15 avril 1796.)

  1. La proportion, la composition et l’esprit du parti sont les mêmes partout, notamment à Lyon (Guillon de Montléon, Mémoires, et Balleydier, Histoire du peuple de Lyon, passim), à Toulon (Lauvergne, Histoire du département du Var), à Marseille, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg, Besançon, etc. — À Bordeaux (Riouffe, Mémoires, 23), « c’étaient tous des gens sans aveu, des Savoyards, des Biscayens, des Allemands même…, commissionnaires et porteurs d’eau…, devenus si puissants, qu’ils arrêtaient les gens riches, et si heureux, qu’ils couraient la poste ». Riouffe ajoute : « Lorsque je lus ce morceau à la Conciergerie, des hommes de tous les points de la république s’écrièrent unanimement : C’est le tableau de ce qui s’est passé dans toutes nos communes. » — Cf. Durand de Maillane, Mémoires, 67 : « Ce peuple, ainsi qualifié, n’était, depuis la suppression du marc d’argent, que la partie la plus vicieuse et la plus dépravée de la société. » — Dumouriez, II, 61 : « Les Jacobins, étant pour la plupart tirés de la partie la plus abjecte et la plus grossière de la nation, ne pouvant fournir de sujets assez élevés pour les places, ont baissé les places pour se mettre de niveau… Ce sont des Ilotes ivres et barbares qui ont usurpé la place des Spartiates. » — Leur avènement a pour signe l’expulsion des libéraux et gens cultivés de 1789. (Archives nationales, F7, 4434, n° 6. Lettre de Richard au Comité de Salut public, 3 ventôse an II.) Pendant le proconsulat de Baudot à Toulouse, « on a exclu presque tous les patriotes de 1789 de la Société populaire qu’ils avaient fondée ; on y a introduit un nombre infini de ces hommes dont le patriotisme remonte tout au plus au 10 août 1792, si toutefois il ne date pas du 31 mai dernier. On met en fait que, sur plus de mille individus qui composent aujourd’hui la Société, il n’y en a pas cinquante dont le patriotisme date de la naissance de la révolution. »