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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« pli les groupes », et qui pendant tout ce temps-là n’a plus fait œuvre de ses dix doigts. Par suite, « la femme, qui avait une montre, des pendants d’oreilles, des bagues, des bijoux, les a d’abord portés au mont-de-piété, et puis ils ont été vendus. Dans ce moment, beaucoup de ces personnages doivent au boucher, au boulanger, au marchand de vin, etc. ; personne ne veut leur prêter davantage. Ils ont une femme dont ils sont dégoûtés, des enfants qui crient la faim lorsque le père est aux Jacobins ou aux Tuileries. Beaucoup d’entre eux ont quitté leur état, leur métier », et, soit « paresse », soit conscience « de leur incapacité,… » « ils verraient avec une espèce de peine ce métier reprendre vigueur ». Celui de comparse politique, de claqueur soldé est bien plus agréable, et telle est aussi l’opinion des flâneurs qu’on a recrutés à son de trompe pour travailler au camp sous Paris. — Là[1], huit mille hommes touchent chacun 42 sous par jour « à ne rien faire » ; « on voit les ouvriers arriver à huit, neuf, dix heures. L’appel fait, s’ils restent,… c’est pour transporter à grand’peine quelques brouettées de terre. Les autres jouent aux cartes toute la journée, et la plupart quittent à trois, quatre heures de l’après-dîner. Si on interroge les inspecteurs, ils vous disent aussitôt qu’ils ne sont pas en force pour se faire obéir et qu’ils ne veulent pas se

  1. Mortimer-Ternaux, V, 225 et suivantes (adresse de la section des Sans-Culottes, 25 septembre). — Archives nationales, F7, 146 (Adresse de la section du Roule, 23 septembre). À propos du ton menaçant des ouvriers du camp, les pétitionnaires ajoutent : « Tel était le langage des ateliers de 1789 et 1790. »