Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 6, 1904.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


peine,… jalouses de l’épicière mieux habillée, comme celle-ci l’était de l’avocate et de la conseillère, comme celles-ci l’étaient de la financière et de la noble. La femme du peuple ne croit pouvoir trop faire pour ravaler l’épicière à son niveau ».

Ainsi réduite à sa lie par la retraite de ses recrues à peu près honnêtes, la faction ne comprend plus que la populace de la populace, d’abord « les ouvriers subalternes qui voient tous avec un certain plaisir la défaite de leurs patrons », ensuite les plus bas détaillants, les fripiers, les regrattiers, « les revendeurs d’habits au carreau de la Halle, les gargotiers qui, au cimetière des Innocents, débitent sous des parasols de la viande et des haricots[1] », puis les domestiques, charmés d’être à présent les maîtres de leurs maîtres[2], marmitons, palefreniers, laquais, concierges, valets de toute espèce, qui, au mépris de la loi, ont voté dans les élections, et qui, aux Jacobins, forment « le peuple bête », persuadés « qu’ils possèdent la géographie universelle, parce qu’ils ont couru une ou deux fois la poste », et qu’ils savent à

    Jacob, 287. (Sur le pillage des boutiques, le 25 et le 26 février 1793.)

  1. Schmidt. II, 61 ; I, 265 (Dutard, 17 juin et 21 mai).
  2. Schmidt, I, 96. (Lettre du citoyen Lauchou au président de la Convention, 11 octobre 1792.) — II, 37 (Dutard, 13 juin). Récit de la femme d’un perruquier : « Ce sont de vilains animaux que les domestiques. Il en vient tous les jours ici : ils jasent, ils parlent contre leurs maîtres, il n’y a pas d’horreurs qu’ils n’en disent. Ils sont tous comme ça, il n’y en a pas de plus enragés qu’eux. J’en ai vu qui avaient reçu des bienfaits de leurs maîtres, d’autres qui en recevaient encore : rien ne les arrête. »