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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


peau qui prend peur et se disperse à la moindre alarme. « Dans la section du Contrat-Social, dit un officier de la garde nationale, un tiers de ceux qui sont en état de défendre la section sont à la campagne ; un tiers se cachent chez eux ; et l’autre tiers n’ose rien faire[1]. » — « Si, sur cinquante mille modérantisés, vous pouvez en réunir trois mille, je serai bien étonné. Et si, sur ces trois mille, il s’en trouve seulement cinq cents qui soient d’accord et assez courageux pour énoncer leur opinion, je serai plus étonné encore. Ceux-là, par exemple, doivent s’attendre à être septembrisés[2]. » Ils le savent, et voilà pourquoi ils se taisent, plient le dos. — « Que ferait la majorité même des sections, lorsqu’il est prouvé que douze fous bien en fureur, à la tête de la section sans-culottière, feraient fuir les quarante-sept autres sections de Paris[3] ? » — Par cet abandon de la chose publique et d’eux-mêmes, ils se livrent d’avance, et, dans la grande cité, comme jadis à Sparte ou dans l’ancienne Rome, on voit, à côté et au-dessus d’une immense population de sujets sans droits, une petite oligarchie despotique qui compose à elle seule le peuple souverain.

  1. Schmidt, II, 79 (Dutard, 19 juin).
  2. Ib., II, 70 (Dutard, 10 juin).
  3. Ib., II, 81 (Dutard, 19 juin). — Cf. I, 333 (Dutard, 29 mai) : « Il est de fait que vingt modérés entourent quelquefois deux ou trois aboyeurs et que les premiers sont comme forcés d’applaudir aux motions les plus incendiaires. » — Ib., I, 163 (Dutard, 30 avril) : « Une douzaine de jacobins fait peur à deux cents ou trois cents aristocrates. »