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LA RÉVOLUTION


passe la corde au cou ; il est sauvé tout juste par un bombardier, secrétaire du club. Un membre du directoire, M. Senis, empoigné dans sa maison de campagne, est pendu sur la place du Vieux-Palais. Le capitaine de vaisseau Desidery, le curé de la Valette, M. Sacqui des Thourets, sont décapités dans la banlieue, et leurs têtes rapportées au bout de trois perches. M. de Flotte, vice-amiral, homme à stature d’Hercule, d’une mine si grave et si austère, qu’on le surnommait « le Père éternel », est attiré en trahison à la porte de l’arsenal et voit la lanterne déjà descendue ; il arrache un fusil, se défend, succombe sous le nombre, et, après avoir été sabré, il est pendu. Sabré de même, M. de Rochemore, major général de la marine, est pendu de même : une grosse artère, tranchée sur le cou du cadavre, jetait d’en haut un filet de sang sur les pavés ; Barry, l’un des exécuteurs, y lave ses mains et en asperge l’assistance. — Barry, Lemaille, Jassaud, Sylvestre et les autres assassins principaux, voilà les nouveaux rois de Toulon, assez semblables à ceux de Paris ; ajoutez-y un certain Figon qui donne audience dans son galetas, redresse les inégalités sociales, marie de force des filles de gros fermiers à des républicains pauvres, ou des filles perdues à des jeunes gens riches[1], et, sur des listes fournies par le

  1. Souvenirs inédits du chancelier Pasquier, — M. Pasquier, arrêté avec sa femme, en Picardie, fut ramené à Paris par un membre de la Commune, petit bancal, ancien loueur de chaises dans l’église de sa paroisse, imbu des doctrines du temps et franc niveleur. Au village de Saralles, on passait devant la maison de M. de Livry, riche de 50000 livres de rente et amant de la Saunier, danseuse à l’Opéra. « C’est un bon enfant, s’écria le bancal ; nous venons