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LA SECONDE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


de bonnets rouges, et il a disposé aux bons endroits ses escouades. Cependant la municipalité, sa complice, vient en cérémonie visiter les administrateurs du département, et les invite à fraterniser avec elle devant le peuple. Ils sortent sans défiance, chacun au bras d’un officier municipal ou d’un délégué du club. À peine ont-ils fait quelques pas sur la place que, de chaque avenue, débouche une troupe de bonnets rouges apostés. Le procureur-syndic, le vice-président du département et deux autres administrateurs sont saisis, sabrés et pendus ; un autre, M. Debaux, parvient à s’échapper, se cache, saute la nuit par-dessus les remparts, se casse la cuisse et reste là gisant ; le lendemain matin on l’y découvre ; une bande, conduite par Jassaud, ouvrier du port, et par Lemaille, qui s’intitule « le pendeur de la ville », vient le relever, l’emporte sur un brancard et l’accroche au premier réverbère. D’autres bandes expédient de même l’accusateur public, un administrateur du district, un négociant, puis, se répandant dans la campagne, pillent et tuent dans les bastides. — Vainement le commandant de place, M. Dumerbion, a supplié la municipalité de proclamer la loi martiale. Non seulement elle refuse, mais elle lui enjoint de faire rentrer dans les casernes la moitié de ses troupes. En revanche, elle met en liberté les soldats condamnés au bagne et tous les militaires détenus pour insubordination. — Dès lors la dernière ombre de discipline s’évanouit, et, dans le mois qui suit, les meurtres se multiplient. L’administrateur de la marine, M. Possel, est enlevé de sa maison, et on lui