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LA RÉVOLUTION


un autre journaliste, Suleau, sera massacré dans la rue. — Telle est la façon dont le parti entend la liberté d’écrire ; par ses empiétements sur ce terrain, jugez des autres. La loi est nulle à ses yeux quand elle le gêne ou quand elle couvre ses adversaires ; c’est pourquoi il n’est aucun excès qu’il ne se permette à lui-même ; et aucun droit qu’il ne refuse à autrui.

Rien n’échappe à l’arbitraire des clubs. « Celui de Marseille a contraint des officiers municipaux à donner leur démission[1] ; il a mandé (devant lui) la municipalité ; il a méconnu l’autorité du département ; il a insulté les administrateurs. Les membres de celui d’Orléans surveillaient le tribunal de la haute cour nationale et y prenaient séance. Ceux de Caen ont outragé les magistrats ; enlevé et brûlé la procédure commencée contre les personnes qui ont brisé la statue de Louis XIV. Ceux d’Alby ont enlevé de force du greffe une procédure dirigée contre un assassin et l’ont brûlée. » Le club de Coutances intime aux députés de son district la défense de « faire la moindre réflexion contre les lois populaires ». Celui de Lyon arrête un convoi d’artillerie, sous prétexte que les ministres en place n’ont pas la confiance de la nation. — Ainsi, partout le club règne ou se prépare à régner. D’une part, aux élections, il écarte ou patronne les candidatures et vote presque seul ; à tout le moins il fait

  1. Mercure de France, n° du 27 août 1791, rapport de Duport-Dutertre, ministre de la justice. — Ib. Cf. les numéros du 8 septembre 1790 et du 12 mars 1791.