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LES JACOBINS


« quatre furieux sont venus lui signifier dans son domicile, et en lui montrant leurs pistolets, qu’il répondrait sur sa vie de ce qu’il oserait écrire en faveur de M. Mounier ». — Aussi bien, dès les premiers jours de la Révolution, « à l’instant où la nation rentrait dans le droit inestimable de penser et d’écrire librement, la tyrannie des factions s’est empressée de le ravir aux citoyens, en criant à chaque citoyen qui voulait rester maître de sa conscience : Tremble, meurs, ou pense comme moi ». Depuis ce moment, pour imposer silence aux voix qui lui déplaisent, la faction, de son autorité privée[1], décrète et exécute des perquisitions, des arrestations, des voies de fait et, à la fin, des assassinats. Au mois de juin 1792, « trois décrets de prise de corps, cent quinze dénonciations, deux scellés, quatre assauts civiques dans sa propre maison, la confiscation de toutes ses propriétés en France », voilà la part de Mallet du Pan ; il a passé quatre ans « sans être assuré en se couchant de se réveiller libre ou vivant le lendemain ». Si plus tard il échappe à la guillotine ou à la lanterne, c’est par l’exil, et, le 10 août,

  1. Mercure de France, n° du 3 septembre 1791, article de Mallet du Pan : « Sur une dénonciation dont je connais les auteurs, la section du Luxembourg envoya le 21 juin, jour du départ du roi, un détachement militaire et des commissaires dans mon domicile. Nulle décision juridique, nul ordre légal, soit de la police, soit d’un tribunal, soit d’un juge de paix, nul examen quelconque ne précéda cette expédition… Les employés de la section visitèrent mes papiers, mes livres, mes lettres, transcrivirent quelques unes de celles-ci, emportèrent copies et originaux, et apposèrent sur le reste des scellés qu’ils laissèrent sous la garde de deux fusiliers. »