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LES JACOBINS


élections régulières, ils se sont reconnus, éprouvés et triés ; ils ont tenu des conciliabules ; leur entente est faite[1], et désormais, à mesure que les autres associations tombent comme une efflorescence éphémère, leurs sociétés vivaces se dressent sur le sol abandonné. Il y en a une à Marseille avant la fin de 1789 ; et, dans les six premiers mois de 1790, chaque grande ville a la sienne, Aix en février, Montpellier en mars, Nîmes en avril, Lyon en mai, Bordeaux en juin[2]. — Mais c’est surtout après la fête de la Fédération qu’elles se multiplient. Au moment où tous les groupes locaux se fondent dans la patrie générale, les sectaires se cantonnent et font une ligue à part. À Rouen, le 14 juillet 1790, deux chirurgiens, un imprimeur, l’aumônier de la conciergerie, une veuve israélite et quatre femmes ou enfants de la maison, en tout huit personnes,

    Beugnot, I, 140, 147 : « À la publication des décrets du 5 août, le comité de surveillance de Montigny, renforcé de tous les patriotes de la contrée, descendit comme un torrent sur la baronnie de Choiseul…, extermina les lièvres et les perdrix… On pêcha les étangs… À Mandres, nous trouvons, dans la première pièce de l’auberge, une douzaine de paysans réunis autour d’une table garnie de verres et de bouteilles, et entre lesquels on remarquait une écritoire, des plumes et quelque chose qui ressemblait à un registre. — « Je ne sais ce qu’ils font, disait la maîtresse d’auberge, mais ils sont là, du soir au matin, à boire, à jurer, à tempêter contre tout le monde, et ils disent qu’ils sont un comité. »

  1. Albert Babeau, I, 206, 242. Première réunion du Comité révolutionnaire de Troyes au cimetière Saint-Jules, août 1789. Ce comité devient le seul pouvoir de la ville, après l’assassinat du maire Huez (10 septembre 1790).
  2. La Révolution IV, 74, 88, 98. — Buchez et Roux, VI, 179. — Guillon de Montléon, Histoire de la ville de Lyon pendant la Révolution, I, 87. — Guadet, les Girondins.