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LA RÉVOLUTION


« grin ; ensuite il a mangé le reste, et présentement il n’a plus rien[1] ». — « D’autres ont manqué non seulement à l’honneur, mais à la probité vulgaire. Carra, qui a siégé dans le directoire secret des fédérés et rédigé le plan de l’émeute, a été condamné par le tribunal de Mâcon à deux ans d’emprisonnement pour vol avec effraction[2]. Westermann, qui conduisait la colonne d’assaut, volé un plat d’argent armorié chez Jean Creux, restaurateur rue des Poulies, et a été expulsé deux fois de Paris pour escroqueries[3]. Panis[4], le chef du comité de

    avant la Révolution, signe d’Anton, même en écriture authentique, ce qui est une usurpation de noblesse et pouvait alors le conduire aux galères. — La double infidélité dont il s’agit a dû être fréquente, car les meneurs n’étaient rien moins que délicats. Le 7 août, Mme Élisabeth dit à M. de Montmorin que l’insurrection n’aurait pas lieu, que « Pétion et Santerre s’y étaient engagés et qu’ils avaient reçu 750 000 livres pour l’empêcher et pour ramener les Marseillais dans le parti de Sa Majesté ». (Malouet, II, 233.) — Sans doute, en employant l’argent du roi contre le roi, Santerre a cru faire une action patriotique. Au fond de toute émeute il y a de l’argent dépensé, au moins pour faire marcher les agents subalternes et pour faire boire.

  1. Buchez et Roux, XXVIII, 92. Lettre de Gadolle à Roland, octobre 1792, d’après le récit du maître de quartier de Varlet au collège d’Harcourt.
  2. Ib., XIII, 254.
  3. Camille Desmoulins, par Jules Claretie, 238 (en 1775 et en 1786) : « L’instruction subsiste ; malheureusement elle est probante. » — Westermann fut dénoncé pour ces faits en décembre 1792 par la section des Lombards, « preuves en main ». — Gouverneur Morris, si bien informé, écrit à Washington le 10 janvier 1793 : « La retraite du roi de Prusse a valu à Westermann environ 10 000 livres sterling. Là-dessus le conseil exécutif… a provoqué une poursuite contre lui pour de vieilles affaires de petite filouterie ».
  4. Archives nationales, F7, 4434 (papiers du comité de sûreté générale). Note sur Panis, avec tous les détails et références du fait.