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LA RÉVOLUTION


que des quarts d’heure, et encore à titre de curiosité, comme un drame qu’ils applaudissent ou sifflent de leur place, sans monter eux-mêmes sur les planches. — « La déclaration de la patrie en danger, disent des témoins oculaires[1], n’a rien changé à la physionomie de Paris. Mêmes amusements, mêmes bruits… Les spectacles sont pleins, comme de coutume ; les cabarets, les lieux de divertissement, regorgent de peuple, de gardes nationales, de soldats… Le beau monde fait des parties de plaisir. » — Le lendemain du décret, la cérémonie, si bien machinée, ne produit qu’un effet très mince. « La garde nationale du cortège, écrit un journaliste patriote[2], est la première à donner l’exemple de la distraction et même de l’ennui » ; elle est excédée de veilles et de patrouilles ; probablement elle se dit qu’à force de parader pour la nation, on n’a plus le temps de travailler pour soi. — Quelques jours après, sur ce grand public indifférent et lassé, le manifeste du duc de Brunswick « ne produit aucune espèce de sensation ; on en rit ; il n’est connu que des journaux et de ceux qui les lisent… Le peuple ne le connaît point… Personne ne redoute la coalition ni les troupes étrangères[3] ». — Le 10 août, « hors le théâtre du combat, tout est tranquille dans Paris ; on s’y promène, on cause dans les rues comme à l’ordinaire[4] ». — Le 19 août, l’Anglais

  1. Mercure de France, n° du 21 juillet 1792.
  2. Révolutions de Paris, XIII, 137.
  3. Mallet du Pan, Mémoires, I, 322. Lettres à Mallet du Pan, 4 août et jours suivants.
  4. Buchez et Roux, XVI, 446. Récit de Pétion. — Arnault, Sou-