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LA RÉVOLUTION


« naparte était attaqué par la plus vile canaille », par les émeutiers de profession, par la bande de Maillard, par la bande de Lazowski, par la bande de Fournier, par la bande de Théroigne, par tous les assassins de la veille, du jour, du lendemain, et, comme l’événement le prouva, la première décharge eût dispersé des combattants de cette espèce ; — Mais, chez les gouvernants comme chez les gouvernés, la notion de l’État s’était perdue, chez les uns par l’humanité érigée en devoir, chez les autres par l’insubordination érigée en droit. À la fin du dix-huitième siècle, dans la classe élevée et même dans la classe moyenne, on avait horreur du sang[1] ;

    aux Jacobins, 5 novembre 1792 : « Il faut le déclarer hautement : ce sont les mêmes hommes qui ont pris les Tuileries, qui ont enfoncé les prisons de l’Abbaye, celles d’Orléans et celles de Versailles. »

  1. À cet égard, l’émeute du Champ de Mars (17 juillet 1791), la seule qui ait été réprimée, est très instructive : « La garde nationale, ne voulut pas mettre bas les armes, selon la coutume, au commandement de la foule ; en conséquence, selon la coutume, la foule se mit à la lapider… Être privés de leurs amusements du dimanche, parader sous un soleil brûlant, rester debout comme des dindons de fête publique, pour être assommés à coups de briques, cela fut un peu trop pour la patience des gardes nationaux ; en sorte que, sans attendre les ordres, ils firent feu et tuèrent une ou deux douzaines de déguenillés. Les autres détalèrent, comme de braves garçons. Si la garde nationale eût attendu des ordres, je crois qu’avant d’en recevoir un seul elle eût été assommée jusqu’au dernier homme… La Fayette avait failli être tué le matin ; le pistolet rata sur sa poitrine. L’assassin fut arrêté aussitôt, mais il le fit mettre en liberté. » (Gouverneur Morris, lettre du 20 juillet 1791.) — Pareillement, le 29 août 1792, à Rouen, la garde nationale qui défend l’hôtel de ville se laisse lapider pendant plus d’une heure, plusieurs sont blessés. Les magistrats font toutes les concessions, emploient tous les ménagements ; le maire répète cinq ou six fois les sommations légales. À la fin, la garde nationale, presque