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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


poursuivis se sont réfugiés dans le corps de garde du Palais-Royal ; un fédéré y entre avec eux ; « là, l’œil étincelant de rage, frappant en forcené sur la table », il dit au plus connu, M. Dumolard : « Si tu as le malheur de remettre les pieds dans l’Assemblée, je te couperai la tête avec mon sabre ». Quant au principal défenseur de La Fayette, M. de Vaublanc, assailli trois fois, il a eu la précaution de ne pas rentrer chez lui ; mais des furieux investissent sa maison en criant que « quatre-vingts citoyens doivent périr de leur main, et lui le premier » ; douze hommes montent à son appartement, y fouillent partout, recommencent la perquisition dans les maisons voisines, et, ne pouvant l’empoigner lui-même, cherchent sa famille ; on l’avertit que, s’il rentre à son domicile, il sera massacré. — Dans la soirée, sur la terrasse des Feuillants, d’autres députés sont livrés aux mêmes outrages ; la gendarmerie fait de vains efforts pour les protéger ; bien mieux, « le commandant de la garde nationale, descendant de son poste, est attaqué et sabré[1] ». — Cependant, dans les couloirs des Jacobins, « on voue à l’exécration la majorité de l’Assemblée nationale » ; un orateur déclare que « le peuple a le droit de former ses listes de proscription », et, à cet effet, le club décide qu’il fera imprimer et publier les noms de tous les députés qui ont absous La Fayette. — Jamais la contrainte phy-

  1. Moniteur, XIII, 370. Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice. — Ib., 371. Déclaration de M. Jolivet. — Buchez et Roux, XVI, 370, séance des Jacobins, le 8 août au soir. Discours de Goupilleau.