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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


31 juillet, le 4 août, les conciliabules obscurs, où des inconnus décident du sort de la France, ont donné le signal de l’émeute. — Retenue à grand’peine, ils ont consenti à « patienter jusqu’au 9 août, 11 heures du soir[1] » : ce jour-là, l’Assemblée doit discuter la déchéance, et l’on compte qu’elle la votera sous une menace aussi précise ; ses répugnances ne tiendront pas devant la certitude d’un investissement armé. — Mais, le 8 août, à une majorité des deux tiers, elle refuse de mettre en accusation le grand ennemi, La Fayette. Il faut donc commencer par elle la double amputation nécessaire au salut public.

Au moment où l’acquittement est prononcé, les tribunes, ordinairement si bruyantes, gardent « un silence morne[2] » : c’est que le mot d’ordre leur a été transmis et qu’elles se réservent pour la rue. Un à un, les députés qui ont voté pour La Fayette sont désignés aux rassem-

    Santerre, Westermann, Fournier l’Américain et Lazowski. Un autre plan d’insurrection fut dressé, le 30 juillet ; dans un cabaret de Charenton, par Barbaroux, Rébecqui, Pierre Baille, Héron, et Fournier l’Américain. — Cf. J. Claretie, Camille Desmoulins, 192. Desmoulins écrivait un peu avant le 10 août : « Si l’Assemblée nationale ne croit pas pouvoir sauver la patrie, qu’elle déclare donc qu’aux termes de la Constitution, et comme les Romains, elle en remet le dépôt à chacun des citoyens. Aussitôt on sonne le tocsin, toute la nation s’assemble, chacun, comme à Rome, est investi du droit de punir de mort les conspirateurs reconnus. »

  1. Mortimer-Ternaux, II, 182. Arrêté de la section des Quinze-Vingts, 4 août. — Buchez et Roux, XVI, 402-410. Histoire de la section des Quinze-Vingts.
  2. Moniteur, XIII, 367, séance du 8 août. — Ib., 369 et pages suivantes, séance du 9 août. Lettres et discours des députés maltraités.