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LA RÉVOLUTION


« peaux de la liberté à partir du 12 juillet de la même année », c’est-à-dire les insurgés et déserteurs en titre. Le 6 juillet, dans toutes les villes de 50 000 âmes et au-dessus, ils frappent la garde nationale à la tête par le licenciement de son état-major, « corporation aristocratique, dit une pétition[1], sorte de féodalité moderne, composée de traîtres qui semblent avoir formé le projet de diriger à leur gré l’opinion publique ». Dans les premiers jours d’août[2], ils frappent la garde nationale au cœur par la suppression des compagnies distinctes, grenadiers et chasseurs, recrutés parmi les gens aisés, véritable élite qui maintenant, dépouillée de son uniforme, ramenée à l’égalité, perdue dans la masse, voit en outre ses rangs troublés par un mélange d’intrus, fédérés et hommes à piques. Enfin, pour achever le pêle-mêle, ils ordonnent que dorénavant la garde du château soit chaque jour composée de citoyens pris dans les soixante bataillons[3], en sorte que les chefs ne connaissent plus leurs hommes, que personne n’ait plus confiance en son chef, en son subordonné, en son voisin, en lui-même, que toutes les pierres de la digue humaine soient descellées d’avance et que la défense croule au premier

  1. Moniteur, XIII, 25, séance du 1er  juillet. Pétition de 150 citoyens actifs de la section Bonne-Nouvelle.
  2. Mortimer-Ternaux, II, 194. — Buchez et Roux, XVI, 253. Le décret de licenciement ne fut rendu que le 12 août ; mais dès le 31 juillet la municipalité le demandait, et, dans les jours qui suivent, plusieurs grenadiers jacobins viennent à l’Assemblée nationale fouler aux pieds leur bonnet à poil et se coiffer du bonnet rouge.
  3. Mortimer-Ternaux, II, 192 (arrêté municipal du 6 août).