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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


tent, on crie : Vive la nation ! Vive la liberté ! et même Vive le roi ! — Désormais le plus grand danger est passé. Non pas que les assiégeants renoncent à leur siège : « Il a f… bien fait, disent-ils, de mettre le bonnet ; car nous aurions vu ce qui serait arrivé, et f…, s’il ne sanctionne pas le décret sur les prêtres et sur le camp, nous reviendrons tous les jours ; c’est par là que nous le lasserons et que nous nous ferons craindre. » — Mais la journée s’avance ; la chaleur est accablante ; la fatigue extrême, le roi moins déserté et mieux défendu ; cinq ou six députés, trois officiers municipaux, quelques officiers de la garde nationale sont parvenus jusqu’à lui ; Pétion lui-même finit par arriver, et, monté sur un fauteuil, harangue le peuple avec ses flatteries ordinaires[1]. En même temps Santerre, comprenant que l’occasion est perdue, prend l’attitude d’un libérateur et crie de sa grosse voix : « Je réponds de la famille royale : qu’on me laisse faire ». Une haie de gardes nationaux se forme devant le roi, et lentement, péniblement, sur les instances du maire, vers huit heures du soir, la multitude s’écoule.

  1. Mortimer-Ternaux, I, 213 : « Citoyens, vous venez de présenter légalement votre vœu au représentant héréditaire de la nation ; vous l’avez fait avec la dignité, avec la majesté d’un peuple libre. Sans doute votre demande sera réitérée par les 83 départements, et le roi ne pourra se dispenser d’acquiescer au vœu manifeste du peuple… Retirez-vous,… et, en restant plus longtemps, ne donnez pas occasion d’incriminer vos intentions respectables »


  la révolution. iii.
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