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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« simulacre de royauté ! Tremblez, tyrans, il est encore parmi nous des Scévola ! » — Tout cela est débité, déclamé ou plutôt crié publiquement, en plein jour, devant les fenêtres du roi, par des harangueurs montés sur des chaises, et du comité installé chez Santerre partent chaque jour des provocations semblables, tantôt des placards qu’on affiche dans les faubourgs, tantôt des pétitions qu’on colporte dans les sections et dans les clubs, tantôt des motions que l’on agite « dans les groupes des Tuileries, du Palais-Royal, de la place de Grève et surtout de la place de la Bastille » ; Dès le 2 juin, les meneurs ont établi dans l’église des Enfants-Trouvés un nouveau club pour avoir leur officine spéciale et travailler sur place[1]. Comme les démagogues de Platon, ils savent leur métier, ils ont découvert à quels cris tressaille l’animal populaire, par quels ombrages on l’effarouche, par quel appât on l’attire, dans quel chemin il faut l’engager : une fois attiré et engagé, il marchera en aveugle, emporté par son élan involontaire, et écrasera de sa masse tout ce qu’il rencontrera sous les pieds.

    le sieur Delfau, qui passent la mesure, et conseillent le meurtre, du geste des yeux et de la voix. »

  1. Mortimer-Ternaux, I, 133. — Même calcul et même laboratoire au faubourg Saint-Marcel. Rapport de Saint-Prix, commandant du bataillon du Val-de-Grâce : « Les esprits étaient paisibles jusqu’à l’ouverture d’un club à la porte Saint-Marcel ; maintenant ils sont tous excités et divisés. Ce club, qui est entré en correspondance avec Santerre, engage les citoyens à se porter demain (20 juin) en armes à l’Assemblée nationale et chez le roi, malgré les arrêtés des autorités constituées. »