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LA RÉVOLUTION


d’or, est enlevée au directeur du mont-de-piété, qui l’avait en dépôt, et transportée à la commune : le bruit se répand que tous les effets précieux mis en gage par les pauvres gens viennent d’être volés par la municipalité, et que les brigands « en ont déjà fait partir dix-huit malles ». Là-dessus, les femmes exaspérées par la nudité des églises, les ouvriers sans pain et sans travail, tout le petit peuple devient furieux, s’assemble de lui-même dans l’église des Cordeliers, fait comparaître Lécuyer, l’arrache de la chaire et le massacre[1].

Cette fois le parti des brigands semble perdu ; car toute la ville, populace et bourgeoisie, est contre eux, et, dans la campagne, les paysans qu’ils ont rançonnés les fusillent quand ils les rencontrent. — Mais, par la terreur, on peut suppléer au nombre, et, avec les 350 sicaires qui leur sont restés, les Jacobins extrêmes

  1. Archives nationales, DXXIV, 3. — Lettre de M. Levieux de Laverne pour M. Canonge, dépositaire du mont-de-piété. (L’assemblée électorale du Vaucluse et le juge de paix lui avaient interdit de remettre cette cassette à d’autres.) — Lettres de M. Mulot, commissaire médiateur, Gentilly-les-Sorgues, 14, 15, 16 octobre 1791. — Lettre de M. Levieux de Laverne, maire, et des officiers municipaux, Avignon, 6 janvier 1792. — Précis des événements arrivés à Avignon, les 16, 17 et 18 octobre (sans signature, mais écrit sur place et à l’instant). — Procès-verbal des administrateurs provisoires d’Avignon, 16 octobre. — Copie certifiée de l’affiche trouvée, en différents endroits d’Avignon, aujourd’hui 16 octobre (probablement écrite par une femme du peuple et montrant très bien l’émotion populaire). — Une lettre écrite à M. Mulot, le 13 octobre, contient déjà cette phrase : « Enfin, pour peu qu’on retarde à faire cesser leurs vols et pillages, il restera la misère et les misérables. » — Déposition de Joseph Sauton, chasseur de la garde soldée d’Avignon, 17 octobre (témoin oculaire de ce qui s’est passé aux Cordeliers).