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LA RÉVOLUTION


Carpentras vainement assiégé, les instincts de cruauté gratuite qui se développeront plus tard chez les chauffeurs, les goûts d’anthropophagie qui reparaissent quelquefois chez les forçats, les sensualités perverties et surexcitées qu’on rencontre chez les maniaques, se sont donné franc jeu. À l’aspect du monstre qu’elle a nourri, Avignon s’effraye et pousse des cris d’alarme[1] ; mais la bête, qui sent sa force, se retourne contre ses anciens fauteurs, montre les dents et exige sa pâture quotidienne. Ruinée ou non, il faut qu’Avignon fournisse sa quote-part. « Dans l’assemblée électorale, Mainvielle cadet, nommé électeur, quoiqu’il n’ait que vingt-deux ans, se promène d’un air menaçant, en faisant sortir deux pistolets de sa ceinture[2]. » Pour mieux maîtriser ses collègues, Duprat, le président, leur propose de quitter Avignon et de se transporter à Sorgues ; ils refusent, sur quoi il les fait investir de canons, promet de payer

    sont des cannibales également exécrés à Avignon et à Carpentras. »

  1. Archives nationales, F7, 3197. Lettre du directoire des Bouches-du-Rhône, 21 mai 1791. — Délibération de la municipalité d’Avignon, avec adjonction des notables et du comité militaire, 15 mai : « Frais immenses de la solde et de la nourriture des détachements… contributions forcées… Ce qu’il y a de plus révoltant, c’est que ceux qui sont chargés d’en faire la perception taxent arbitrairement les habitants, selon qu’ils les jugent bons ou mauvais patriotes… La municipalité, le comité militaire et la Société des Amis de la Constitution ont osé faire des réclamations : une proscription prononcée contre eux a été la récompense de leur attachement à la Constitution française. »
  2. Ib. Lettre de M. Boulet, ancien médecin des hôpitaux militaires de France, membre de l’assemblée électorale, 21 mai.