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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


« tion et au crime. » — « Il faut se décider entre la vie et la mort, nous criaient-ils ; vous n’avez plus qu’un quart d’heure à délibérer. » — « Par les fenêtres de la salle, qui étaient ouvertes à cause de l’extrême chaleur, des gardes nationaux présentaient leurs sabres à ceux qui étaient autour de nous ; et leur faisaient signe de nous couper le cou. » — Ainsi fabriqué, écourté et manié, le directoire n’est plus qu’un instrument aux mains des démagogues marseillais. Les pires agitateurs et usurpateurs, Camoïn, Bertin, Rébecqui, y règnent sans contrôle. Rébecqui et Bertin, délégués aux affaires d’Arles, se sont fait autoriser à requérir des troupes pour leur défense : aussitôt ils en requièrent pour l’attaque, et le directoire a beau leur faire des remontrances, ils lui déclarent que maintenant « il n’a aucune inspection, aucune autorité sur eux, qu’ils sont indépendants, qu’ils n’ont aucun ordre à recevoir, aucun compte à rendre de leur conduite ». Tant pis pour lui s’il essaye de révoquer leurs pouvoirs : Bertin annonce au vice-président que, si l’on s’y hasarde, il lui coupera la tête. Aux observations du ministre, ils répondent avec la dernière insolence[1] ; ils

  1. Archives nationales, F7, 3195. Lettre des administrateurs du conseil du département au ministre, 16 mars : « Le conseil de l’administration est surpris, monsieur, des fausses impressions qu’on a pu vous donner sur la ville de Marseille : on doit la regarder comme le bouclier du patriotisme dans le département… Si, à Paris, le peuple n’a pas attendu des ordres pour détruire la Bastille et commencer la révolution, doit-on être étonné que, sous ce climat brûlant, l’impatience des bons citoyens leur fasse devancer les ordres légaux et qu’ils ne puis-