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LA RÉVOLUTION


venir à Aix couper leurs têtes, qui seront mises dans une malle et expédiées à Paris au président de l’Assemblée nationale, avec menace du même châtiment pour lui et pour tous les députés, s’ils ne révoquent pas leur récent décret. Quelques jours après, quatre sections dressent acte, par devant notaire, de la délibération qu’elles ont prise à l’effet d’envoyer à Aix une armée de six mille Marseillais pour se défaire des trois intrus. Impossible aux commissaires d’entrer à Marseille : on leur y a « préparé des potences, et leurs têtes y sont mises à prix ». C’est tout au plus s’ils peuvent arracher des mains de la faction M. Lieutaud et ses amis qui, accusés de lèse-nation, détenus sans l’ombre d’une preuve[1], traités comme des chiens enragés, enchaînés, enfermés dans des latrines, réduits, faute d’eau, à boire leur urine, poussés par le désespoir jusqu’au bord du suicide, ont failli vingt fois être égorgés au tribunal et

    de Marseille au ministre, 11 juin 1791. — Ils demandent la révocation des trois commissaires, et voici l’un de leurs arguments : « Dans la Chine, tout mandarin contre lequel l’opinion se déchaîne est destitué : on le regarde comme un instituteur ignorant qui ne sait point concilier à un père l’amour de ses enfants. »

  1. Archives nationales. Lettre des commissaires, 25 mai 1791 : « Il est évident par la lecture des procédures d’Aix et de Marseille que les seuls coupables sont les accusateurs et les juges. » — Pétition des détenus, 1er  février : « La municipalité, désespérée de notre innocence, et ne sachant comment justifier sa conduite, cherche des témoins à prix d’argent. Elle dit publiquement qu’il vaut mieux sacrifier un innocent que de flétrir un corps. Tels sont les discours du sieur Rébecqui, notable, et de la dame Elliou, épouse d’un officier municipal, chez le sieur Rousset. »