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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


que « la souveraineté des peuples n’est point liée par les traités des tyrans[1] ». Quant aux rassemblements des émigrés, puisque l’Empereur a cédé sur ce point, il cédera pareillement sur les autres[2]. Qu’il renonce formellement à toute ligue contre la France. « Je veux, dit Brissot, la guerre au 10 février, si cette renonciation ne nous est point parvenue. » Pas d’explications ; c’est une satisfaction qu’il nous faut : « exiger une satisfaction, c’est mettre l’Empereur à notre merci[3] ». L’Assemblée est si pressée de rompre, qu’elle usurpe l’initiative réservée au roi et rédige en forme de décret une sommation à terme fixe[4]. — À ce moment les dés sont jetés : « Ils veulent. La guerre, dit l’Empereur, ils l’auront », et tout de suite l’Autriche s’allie à la Prusse,

  1. Moniteur, X, 760, séance du 28 décembre.
  2. Ib., XI, 149, séance du 17 janvier. Discours de Brissot.
  3. Ib., XI, 178, séance du 20 janvier. Fauchet propose le décret suivant : « Tous les traités partiels actuellement existants sont annulés. L’Assemblée nationale y substitue une alliance avec les nations anglaise, anglo-américaine, helvétique, polonaise et hollandaise, tant qu’elles seront libres… Quand les autres peuples voudront de notre alliance, ils n’auront, pour l’obtenir, qu’à conquérir leur liberté. En attendant, cela ne nous empêchera pas de commercer avec eux, comme avec de bons sauvages… Occupons les villes du voisinage qui placent nos adversaires trop près de nous… Mayence, Coblentz et Worms, c’est assez. » — Ib., 215, séance du 25 janvier. Un membre, s’autorisant de Gélon, roi de Syracuse, propose un article additionnel : « Nous déclarons que nous ne déposerons les armes qu’après avoir établi la liberté de tous les peuples. » — Ces extrêmes folies montrent l’état mental du parti jacobin.
  4. Le décret est du 25 janvier ; l’alliance de la Prusse et de l’Autriche est du 7 février (M. de Bourgoing, Histoire diplomatique de l’Europe pendant la Révolution française, I, 457).