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LA RÉVOLUTION


l’ordre, aux propriétaires, de relever la tête et de se rallier contre l’anarchie autour du trône et des lois. Sa correspondance ministérielle emploie toutes les précautions pour ne pas mettre ou laisser mettre le feu aux poudres. Au moment de la délibération critique[1], par l’organe de M. de Lessart, son ministre des affaires étrangères, il supplie les députés de mesurer leurs paroles et surtout de ne point faire de sommation « à terme fixe ». Jusqu’à la fin, il résiste autant que le comporte sa volonté passive. Lorsqu’il est contraint de déclarer la guerre, il exige au préalable l’avis signé de tous ses ministres et ne prononce les fatales paroles qu’à la dernière extrémité, « les larmes aux yeux », traîné par l’Assemblée, qui vient d’envoyer M. de Lessart devant la haute cour d’Orléans sous une accusation capitale, et qualifie tous les ménagements de trahisons.

C’est donc l’assemblée qui lance aux abîmes grondants de la mer inconnue le navire désemparé, sans gouvernail, et qui fait eau de toutes parts ; elle seule coupe le câble qui le retenait au port et que les puissances étrangères n’osaient ni ne souhaitaient trancher. Cette fois encore, les Girondins sont les meneurs et tiennent la hache : dès la fin d’octobre, ils l’ont saisie et frappent à coups redoublés[2]. — Par exception, les

  1. Moniteur, XI, 142, séance du 17 janvier. Discours de M. de Lessart. — Décret d’accusation contre lui, 10 mars. — Déclaration de la guerre, 20 avril. — Sur les intentions véritables du roi, cf. Malouet, Mémoires, II, 199-209 ; La Fayette, Mémoires, I, 441, note 3 ; Bertrand de Moleville, Mémoires, VI, 22 ; Gouverneur Morris, II, 242, lettre du 23 octobre 1792.
  2. Moniteur, X, 172, séance du 20 octobre 1791. Discours de