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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


le Comtat ; elle arrête le procès presque terminé des massacreurs de la Glacière ; elle tolère qu’ils rentrent en vainqueurs[1], qu’ils s’installent d’autorité à la place des magistrats en fuite et qu’Avignon, traitée en ville conquise, soit désormais leur proie et leur butin. C’est ramener de parti pris la vermine sur le corps social, et, dans ce corps fiévreux, on n’omet rien pour redoubler la fièvre. Du sein de l’Assemblée sortent, comme autant de miasmes, les maximes les plus anarchiques et les plus délétères, on y érige en principe le nivellement absolu : « L’égalité des droits, dit Lamarque[2], ne peut se soutenir que par une tendance continuelle vers le rapprochement des fortunes[3] ; » et la théorie est mise en pratique, puisque de toutes parts les prolétaires pillent les propriétaires. — « Partagez les biens communaux, dit Français de Nantes, entre les citoyens des villages environnants, en raison inverse de leurs fortunes, et que celui qui a le moins de propriétés patrimoniales ait la plus grande part dans le partage. » Concevez l’effet de cette motion lue à la veillée devant des paysans qui, en ce moment même, revendiquent pour leur commune la forêt de leur seigneur. — M. Corneille interdit au fisc de rien prélever sur le salaire du travail manuel, parce que c’est la nature et non la société qui nous donne « le droit de vivre »[4] ; en revanche, il

  1. Moniteur, XII, 335. — Décret ; du 26 mars. (La rentrée triomphale de Jourdan et consorts est du mois suivant.)
  2. Ib., XII, 730, séance du 23 juin.
  3. Ib., XII, 230, séance du 12 avril.
  4. Ib., XII, 6, séance du 31 mars.