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LA RÉVOLUTION


la force. — Pour commencer, défense aux Feuillants de se réunir : on ameute contre eux les attroupements ordinaires ; là-dessus, tumulte, vociférations, gourmades ; le maire Pétion se plaint d’être placé « entre l’opinion et la loi », et laisse faire : à la fin, les Feuillants sont contraints d’évacuer leur salle. — Au dedans de l’Assemblée, ils sont livrés à l’insolence des galeries. En vain ils s’indignent et protestent. Ducastel, rappelant le décrets de la Constituante qui, interdit toute marque d’approbation ou d’improbation, est accueilli par des murmures ; il insiste pour que le décret soit lu à l’ouverture de chaque séance : « les murmures recommencent[1] ». — « N’est-il pas scandaleux, dit Vaublanc, que les représentants de la nation, parlant à la tribune, soient sujets à des huées, comme des histrions déclamant sur un théâtre ? » Et les tribunes le huent à trois reprises. — « La postérité croira-t-elle, dit Quatremère, que des actes où il s’agit de l’honneur, de la vie, de

    et prend pour épigraphe : Non onmis moriar (Baron de Girardot, Roland et Mme Roland, I, 83, 185).

  1. Moniteur, XI, 61, séance du 7 janvier 1792. — Ib., 204 (24 janvier) ; 281 (1er  février) ; 310 (4 février) ; 318 (6 février) ; 343 (9 février) ; 487 (26 février). — Ib., XII, 22 (2 avril). Il faut lire toutes ces séances pour sentir l’excès de cette pression. Voyez notamment les séances des 9 et 16 avril, des 15 et 29 mai, des 8, 9, 15, 24, 25 juin, des 1er , 2, 5, 9, 11, 17, 18, 21 juillet, et, à partir de cette dernière date, toutes les séances. — Lacretelle, Dix ans d’épreuves, 78-31 : « L’Assemblée législative servait sous le club des Jacobins, en se ménageant quelques faux airs d’indépendance. La peur avait fait des progrès immenses dans le caractère français, alors que tout se montait sur le ton de la fierté la plus exaltée… La majorité intentionnelle était pour les conservateurs, la majorité de fait pour les républicains. »