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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE

IV

Dans une assemblée ainsi composée et entourée, on prévoit de quel côté penchera la balance. — À travers les mailles du filet électoral que les Jacobins ont tendu sur tout le territoire, une centaine d’honnêtes gens, de mérite ordinaire, à peu près sensés et assez résolus, Mathieu Dumas, Dumolard, Becquet, Gorguereau, Vaublanc, Beugnot, Girardin, Ramond, Jaucourt, ont pu passer, et forment le côté droit[1]. Ils résistent de leur mieux, et il semble que la majorité leur soit acquise. — Car des 400 députés qui siègent au centre, 164 sont inscrits avec eux aux Feuillants, et le reste, sous le nom d’Indépendants, prétend n’être d’aucun parti[2] ; d’ailleurs, par tradition monarchique, tous ces quatre cents respectent le roi ; leur timidité et leur bon sens répugnent aux violences ; ils se défient des Jacobins, ils ont peur de l’inconnu, ils voudraient bien faire observer la Constitution et vivre tranquilles. Mais les dogmes pompeux du catéchisme révolutionnaire exercent encore sur eux tout leur prestige ; ils ne comprennent pas que la Constitution qu’ils aiment produit l’anarchie qu’ils détestent ;

  1. Mémoires de Mallet du Pan, I, 433. Tableau des trois partis, avec renseignements intimes.
  2. Buchez et Roux, XII, 348. Lettre du député Chéron, président des Feuillants. Le nombre des députés de la Législative inscrits aux Feuillants est de 264, outre un très grand nombre de députés de la Constituante. Selon Mallet du Pan, les prétendus indépendants sont au nombre de 250.