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LA RÉVOLUTION


et à la campagne ont rendu la ville et la campagne inhabitables, et pour l’élite des propriétaires ou des gens bien élevés il n’y a plus d’asile qu’à Paris. Après le premier désarmement, sept ou huit familles s’y sont réfugiées : après la menace d’égorgement, douze ou quinze autres les y rejoignent ; après la persécution religieuse, les insermentés, le reste des nobles, quantité de bourgeois, « même peu fortunés », s’y transportent en masse. Là du moins on est perdu dans la foule ; on est abrité par l’incognito contre les attentats de la plèbe ; on peut vivre en simple particulier. En province, on n’a pas même les droits civils : comment y exercerait-on les droits politiques ? « Aux assemblées primaires, tous les citoyens honnêtes sont écartés par des menaces ou par de mauvais traitements… Le champ de bataille demeure à des gens qui payent 45 sous d’imposition, et dont plus de la moitié sont inscrits sur la liste des pauvres. » — Voilà des élections faites d’avance ; c’est l’ancien cuisinier qui autorise ou suscite les candidatures, et, de fait, quand au chef-lieu on nommera les députés du département, tous les électeurs élus seront, comme lui, des Jacobins[1].

  1. Cf. Archives nationales, DXXIX, 13. Lettre des officiers municipaux et des notables de Champceuil aux administrateurs de Seine-et-Oise, à propos des élections, 17 juin 1791. — Lettres analogues de diverses autres paroisses, entre autres de celle de Charcon, 16 juin : « Ils ont l’honneur de vous représenter que, lors des précédentes assemblées primaires, ils ont couru les plus grands dangers, que le curé de Charcon, leur pasteur, a reçu plusieurs coups de baïonnette, dont il conservera toujours les marques. M. Le maire et plusieurs autres habitants de Char-