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LA PREMIÈRE ÉTAPE DE LA CONQUÊTE


trois heures. Même spectacle à Semur : deux gentilshommes ont été assommés à coups de bâton et de pierres, un autre s’est sauvé à grand peine, et un curé a été tué de six coups de couteau. — Avis aux ecclésiastiques et aux gentilshommes : ils feront sagement de ne pas venir voter, et l’on peut donner le même conseil aux marchands de blé, aux propriétaires, à toute personne suspecte. Car, ce jour-là, le peuple rentre dans sa souveraineté, et les violents se croient en droit de faire tout ce qui leur convient ; or rien de plus naturel que d’exclure au préalable les candidats dont on se défie ou les électeurs qui votent mal. — À Villeneuve-Saint-Georges, près de Paris[1], un avocat, homme d’un caractère énergique et austère, allait être nommé juge par les électeurs du district ; mais la populace se méfie d’un juge qui condamnera les maraudeurs, et quarante ou cinquante vagabonds, attroupés sous les fenêtres, crient : « Nous ne voulons pas qu’il soit élu. » En vain le curé de Crosnes, président de l’assemblée électorale, leur fait remarquer que les électeurs assemblés représentent quatre-vingt-dix communes, près de cent mille habitants, et que « quarante personnes ne doivent pas prévaloir sur cent mille ». Les cris redoublent, et les électeurs renoncent à leur candidat. — À Pau, les patriotes de la milice[2] délivrent de force un de leurs chefs incarcéré,

  1. Mercure de France. n° du 14 décembre Lettre de Villeneuve-Saint-Georges, du 29 novembre.
  2. Archives nationales, H, 1453. Correspondance de M. de Bercheny, lettre de Pau du 7 février 1790 : « On n’a pas d’idée de l’état actuel de cette ville jadis si délicieuse : on s’y égorge.