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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE

Sommée de faire respecter les forteresses, la municipalité répond par la réquisition d’ouvrir les portes et d’admettre la garde nationale à faire le service conjointement avec les soldats. Les commandants hésitent, allèguent la loi, demandent à consulter leur supérieur. Deuxième réquisition plus urgente : les commandants seront responsables des troubles que provoquera leur refus, et, s’ils résistent, ils sont déclarés fauteurs de guerre civile[1]. Ils cèdent, signent une capitulation. Un seul d’entre eux, le chevalier de Bausset, major du fort Saint-Jean, s’y est opposé et a refusé sa signature ; le lendemain, au moment où il vient à l’hôtel de ville, il est saisi, massacré ; sa tête est portée au bout d’une pique, et la bande des assassins, soldats et gens du peuple, danse avec des cris de joie autour de ses débris. — « Accident fâcheux, écrit la municipalité[2]. Par quel revers faut-il qu’après avoir jusqu’ici mérité et obtenu des éloges, un Bausset que nous n’avons pu soustraire au décret de la Providence vienne flétrir nos lauriers ? Parfaitement étrangers à cette scène tragique, ce n’était point à nous à en poursuivre les auteur. » D’ailleurs, il était « coupable…, rebelle, condamné par l’opinion publique, et la Providence elle-même semble l’avoir abandonné au décret irrévocable de sa vengeance ». — Quant à la prise des forts, rien de plus légitime. « Ces places

  1. Archives nationales, F7, 3196. Procès-verbal de la journée du 30 avril.
  2. Archives nationales, F7, 3196. Lettres de la municipalité de Marseille à l’Assemblée nationale, 5 et 20 mai 1790.