Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 4, 1910.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


d’Alais, le curé et le pasteur s’embrassent à l’autel ; dans l’église, le pasteur siège à la première place, et, dans l’assemblée des protestants, le curé, à la place d’honneur, écoute le prêche du pasteur[1]. Plus de distinctions de rang ni de condition : à Saint-Andéol, « l’honneur de prêter le serment à la tête du peuple est déféré à deux vieillards de quatre-vingt-treize et quatre-vingt-quatorze ans, l’un noble et colonel de la garde nationale, l’autre simple laboureur ». — À Paris, deux cent mille personnes de tout état, de tout âge et de tout sexe, officiers et soldats, moines et comédiens, écoliers et maîtres, élégants et déguenillés, grandes dames et poissardes, ouvriers de tous les métiers, paysans de toute la banlieue, sont venus s’offrir pour remuer la terre au Champ-de-Mars qui n’était pas prêt, et, en sept jours, d’une plaine unie, ils ont fait une vallée entre deux collines, tous égaux, camarades, volontairement attelés à la même besogne, roulant la brouette et maniant la pioche. — À Strasbourg, le général en chef, Lückner, habit bas, a travaillé comme le plus vigoureux terrassier, pendant une après-midi entière. Sur toutes les routes, les fédérés sont nourris, hébergés, défrayés. À Paris, les aubergistes et les maîtres d’hôtels garnis ont d’eux-mêmes baissé leurs prix, et ne songent point à rançonner leurs nouveaux hôtes. Bien mieux, « les districts festoient à l’envi les provinciaux[2] ; il y a tous les jours des repas de douze cents à quinze cents cou-

  1. Michelet, Histoire de la Révolution française, II, 470, 474.
  2. Ferrières, II, 91. — Albert Babeau, I, 340. Lettre adressée