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LA RÉVOLUTION


officier, un sous-officier et quatre soldats. — Au Champ-de-Mars, théâtre de la fête, on voit arriver quatorze mille représentants de la garde nationale des provinces, onze à douze mille représentants de l’armée de terre et de mer, outre la garde nationale de Paris, outre cent soixante mille spectateurs sur les tertres de l’enceinte, outre une foule encore plus grande sur les amphithéâtres de Chaillot et de Passy. Tous ensemble se lèvent, jurent fidélité à la nation, à la loi, au roi, à la Constitution nouvelle. Au bruit du canon qui annonce leur serment, les Parisiens qui sont demeurés au logis, hommes, femmes, enfants, lèvent la main du côté du Champ-de-Mars, en criant qu’ils jurent aussi. De tous les chefs-lieux de département et de district, de toutes les communes de France part, le même jour, le même serment. — Jamais pacte social n’a été plus expressément conclu. Aux yeux des spectateurs, voici, pour la première fois dans le monde, une société véritable et légitime ; car elle est constituée par des engagements libres, par des stipulations solennelles, par des consentements positifs. On en possède l’acte authentique et le procès-verbal daté.

Il y a plus : à ne considérer que les dehors et le moment, les cœurs sont unis. Il semble que toutes les barrières qui séparent les hommes soient tombées et sans effort. Plus d’antagonisme provincial : les fédérés de la Bretagne et de l’Anjou écrivent qu’ils ne veulent plus être Angevins ni Bretons, mais seulement Français. Plus de discordes religieuses : à Saint-Jean-du-Gard, près