Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 4, 1910.djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
LA RÉVOLUTION


reurs, avec un petit nombre d’anciens privilégiés imbus du même esprit, un chanoine à Besançon, un gentilhomme à Nîmes. Ils ont les meilleures intentions, ils aiment l’ordre et la liberté, ils donnent leur temps et leur argent, ils siègent en permanence, ils accomplissent un travail énorme ; souvent même ils s’exposent volontairement à de grands dangers. — Mais ce sont des bourgeois philosophes, semblables en cela à leurs députés de l’Assemblée nationale, et, à ce double titre, aussi incapables que leurs députés de gouverner une nation dissoute. À ce double titre, ils sont malveillants pour l’ancien régime, hostiles au catholicisme et aux droits féodaux, défavorables au clergé et à la noblesse, enclins à étendre la portée et à exagérer la rigueur des décrets récents, partisans des droits de l’homme, par suite humanitaires, optimistes, disposés à excuser les méfaits du peuple, hésitants, tardifs et souvent timides en face de l’émeute, bref excellents pour écrire, exhorter et raisonner, mais non pour casser des têtes et pour se faire casser les os. Rien ne les a préparés à devenir, du jour au lendemain, des hommes d’action. Jusqu’ici ils ont toujours vécu en administrés passifs, en particuliers paisibles, en gens de cabinet et de bureau, casaniers, discoureurs et polis, à qui les phrases cachaient les choses et qui, le soir, sur le mail, à la promenade, agitaient les grands principes du gouvernement sans prendre garde au mécanisme effectif qui, avec la maréchaussée pour dernier rouage, protégeait leur sécurité, leur promenade et leur conversation. Ils