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LA RÉVOLUTION


pleine et franche propriété, le lopin de terre convoité par lui depuis tant d’années, quelquefois un gros lot inespéré, un bois, un moulin, une prairie. À présent, il faut qu’il se mette en règle avec l’Église, et, si l’échéance pécuniaire a été reculée, l’échéance catholique arrive à date fixe. De par la tradition immémoriale, il est obligé de faire ses pâques[1], sa femme aussi, sa mère pareillement, et, si par exception il n’y tient pas, elles y tiennent. D’ailleurs, il a besoin des sacrements pour son vieux père malade, pour son enfant nouveau-né, pour son autre enfant qui est en âge de faire la première communion. Or, communion, baptême, confession, tous les sacrements, pour être de bonne qualité, doivent être de provenance sûre, comme la farine et les écus ; il n’y a déjà que trop de mauvaise monnaie dans le monde et, tous les jours, les prêtres jureurs perdent de leur crédit comme les assignats. Force est donc de recourir à l’insermenté, qui seul peut fournir l’absolution valable ; et justement il se trouve que, non seulement il la refuse, mais encore qu’il est réputé l’ennemi de tout l’ordre nouveau. — Dans cet embarras, le paysan a recours à son procédé ordinaire, la force des bras ; il prend son curé à la gorge, comme jadis son seigneur, et il extorque la quittance de ses péchés comme jadis celle de ses redevances. À tout le moins, il veut contraindre les inser-

  1. Archives nationales, F7, 3225. Lettre du directoire d’Ille-et-Vilaine, 24 mars 1792. « C’est un parti pris par les gardes nationales du district d’expulser tous les prêtres non sermentés et non remplacés, sous prétexte du mal qu’ils ne manqueraient pas de faire pendant les Pâques. »