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L’ASSEMBLÉE CONSTITUANTE ET SON ŒUVRE


n’a qu’une primauté honorifique. Partout la décision et l’action, émoussées, ralenties, écourtées, par le bavardage et les procédures de la délibération, ne peuvent jaillir qu’après l’accord pénible et tumultueux de plusieurs volontés discordantes. — Tout électifs et collectifs que soient ces pouvoirs, on se prémunit encore contre eux. Non seulement on les soumet au contrôle d’un conseil élu, non seulement on les renouvelle par moitié tous les deux ans, mais encore le maire et le procureur de la commune après quatre ans d’exercice, le procureur-syndic de département ou de district après huit ans d’exercice, le receveur de district après six ans d’exercice, ne sont plus réélus. Tant pis pour les affaires et pour le public s’ils ont mérité et gagné la confiance des électeurs, s’ils ont acquis par la pratique une compétence rare et précieuse ; on ne veut pas qu’ils s’ancrent dans leur poste. Peu importe que leur maintien introduise dans leur service l’esprit de suite et la prévoyance ; on craint qu’ils ne prennent trop d’influence, et la loi les chasse dès qu’ils deviennent experts et autorisés. — Jamais la jalousie et le soupçon n’ont été plus en éveil contre le pouvoir même légal et légitime. On le mine et on le sape jusque dans les services où l’on en reconnaît la nécessité, jusque dans l’armée et dans la gendarmerie[1]. — Dans l’armée, pour nommer un sous-officier, les sous-officiers forment une

  1. Lois du 23 septembre-29 octobre 1790, du 16 janvier 1791 (Titres II et VII). — Cf. les prescriptions de la loi sur les tribunaux militaires. Dans tout jury d’accusation ou de jugement, un septième des jurés est pris parmi les sous-officiers, et un sep-