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LA CONSTITUTION APPLIQUÉE


rité incrédule, indifférente ou tiède a voulu imposer sa forme ecclésiastique à la majorité catholique, et la situation qu’elle a faite au prêtre orthodoxe est telle qu’à moins de devenir schismatique il ne peut manquer d’apparaître comme un ennemi. — Vainement il a obéi, il s’est laissé prendre ses biens, il a quitté son presbytère, il a remis à son successeur les clefs de son église, il se tient à l’écart, il n’enfreint, ni par omission, ni par commission, aucun article d’aucun décret. Vainement il use de son droit légal en s’abstenant de faire un serment qui répugne à sa conscience. Par cela seul, il semble refuser le serment civique dans lequel est compris le serment ecclésiastique, rejeter la Constitution qu’il accepte tout entière moins un chapitre parasite, conspirer contre le nouvel ordre social et politique que souvent il approuve et auquel presque toujours il se soumet[1]. — Vainement il se confine dans son domaine propre et reconnu, qui est la direction spirituelle. Par cela seul, il résiste aux législateurs nouveaux qui pré-

  1. Cf. sur cette attitude générale du clergé, Sauzay, tomes I et II, tout entiers. — Mercure de France, 10 septembre 1791 : « Il n’échappera à aucun homme impartial qu’au milieu de cette oppression, au milieu de tant d’accusations fanatiques qui s’autorisent par le reproche de fanatisme et de révolte, il ne s’est pas encore manifesté un seul acte de résistance. Des délateurs, des municipalités gouvernées par les clubs ont fait jeter dans les cachots un grand nombre de non-jureurs. Ils en sont tous sortis ou ils y gémissent sans jugement, et nul tribunal n’a trouvé de coupables. » — Rapport de M. Cahier, ministre de l’intérieur, 18 février 1792. « Il déclare n’avoir eu connaissance d’aucun prêtre puni par les tribunaux comme perturbateur du repos public, quoique plusieurs aient subi des accusations. » — Moniteur, 6 mai 1792 (Rapport de Français de Nantes) : « Depuis trente mois, pas un seul n’a été puni. »