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LA RÉVOLUTION


« bytère du curé, l’ouragan a prosterné les mécontents dans la résignation. » Abandonnés « à la fureur inquiète des clubs, des délateurs, des administrateurs intimidés, ils trouvent des bourreaux partout où la prudence et le salut de l’État leur ont prescrit de ne pas même voir des ennemis… Quiconque a détesté les énormités du fanatisme et de la férocité publique, quiconque a accordé sa pitié aux victimes entassées sous les débris de tant de droits légitimes et d’abus odieux, quiconque enfin a osé élever un doute ou une plainte, a été affiché ennemi de la nation. Après avoir présenté ainsi les mécontents comme autant de conspirateurs, on a légitimé dans l’opinion tous les crimes dirigés contre eux. La conscience publique, formée par les factieux et par cette bande d’écumeurs politiques qui seraient l’opprobre d’une nation barbare, n’a plus considéré les attentats contre les propriétés et les villes que comme une justice nationale, et, plus d’une fois, l’on a entendu la nouvelle d’un meurtre ou la sentence qui menaçait de mort un innocent faire éclater des hurlements d’allégresse. Il fut donc établi deux droits naturels, deux justices, deux moralités ; par l’une, il est permis de faire contre son semblable, réputé aristocrate, tout ce qui serait criminel s’il était patriote… Avait-on prévu qu’au bout de deux ans la France, peuplée de lois, de magistrats, de tribunaux, de gardes citoyennes liées par des serments solennels à la défense de l’ordre et de la sûreté publique, serait encore et toujours une arène où des bêtes féroces dévoreraient des hommes désarmés ? » — À tous, même