Page:Taine - Les Origines de la France contemporaine, t. 4, 1910.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
LA RÉVOLUTION


blesse légèrement le commandant et un garde. Seuls contre tous, les deux frères battent en retraite jusque dans leur maison, où ils sont bloqués. Vers sept heures du soir, deux ou trois cents gardes nationaux de Cahors arrivent pour renforcer les assiégeants. La maison est prise, le garde du corps, se sauvant à travers champs, se foule le pied, est capturé. M. de Bellud, qui a gagné une autre maison, continue à s’y défendre ; on y met le feu, elle brûle avec les deux voisines. Réfugié dans une cave, il tire toujours ; on jette, par le soupirail, des hottes de paille enflammées. Presque étouffé, il sort, tue d’un coup de pistolet le premier assaillant, et de l’autre coup se tue lui-même. On lui coupe la tête, ainsi qu’à son domestique ; on fait baiser les deux têtes au garde du corps, et, comme il demande un verre d’eau, on lui verse dans la bouche le sang qui dégoutte de la tête coupée de son frère. Puis la troupe victorieuse se met en marche vers Cahors, avec les deux têtes sur des baïonnettes et le garde du corps sur une charrette. Elle s’arrête devant la maison où s’assemble un cercle littéraire suspect au club jacobin ; on fait descendre le blessé, on le pend, on décharge les fusils sur son corps, puis on brise tout dans le cercle, « on jette les meubles par les fenêtres, on démolit la maison ». — Toutes les exécutions populaires sont de cette nature, à la fois promptes et complètes, pareilles à celles d’un roi d’Orient qui, de ses propres mains, à l’instant, sans enquête ni jugement, venge sa majesté offensée, et, pour toute offense, ne connaît qu’un châtiment, la mort.